Interview du metteur en scène Guillaume Caubel
Tout d’abord, qu’est-ce que le Bal des Chimères ?
Le Bal des Chimères est un bal fantasmé où le public est amené à se perdre et à rencontrer des allégories qui le conduisent à flirter avec la piste de danse. Plus de quatorze institutions regroupant une centaine de jeunes autistes participent à ce grand bal. Por un año, les ateliers artistiques des institutions ont travaillé sur les thématiques du bal populaire et de la Traviata afin de nous inventer leur vision du bal. Un bal haut en couleurs où chacun est invité à se rencontrer, partager et s’amuser.
Alors justement, pourquoi ce titre ?
En fait, lorsque Gilles-Roland Manuel, le président du Futur Composé, m’a fait la commande d’un bal autour de la Traviata, j’ai immédiatement eu ce titre en tête. Les Chimères représentent pour moi quelque chose de magique, d’immatériel et d’impossible à attraper. Il y a aussi quelque chose de fascinant et d’envoûtant dans ces créatures mythologiques. J’écarte évidemment toutes les connotations démoniaques pour n’en conserver que la nature mixte et mystérieuse. Je voulais un bal costumé où les invités, les jeunes en situation de handicap, les éducateurs et responsables d’institutions, les artistes puissent se rassembler et créer du lien.
La Chimère est donc la métaphore de cette mixité générationnelle et transculturelle qui embarque le temps d’une soirée dans une grande farandole.
En quoi la Traviata est-elle présente dans ce bal ?
Ça, vous le verrez si vous restez jusqu’à la fin de la cérémonie ! Non, trêve de plaisanterie. Pour moi, la cérémonie d’ouverture du festival est un tremplin pour présenter l’événement principal du festival qui est La Traviata mise en scène par Johanna Boyé au Théâtre des Variétés. Si vous êtes là aujourd’hui c’est que vous avez reçu une invitation de notre cher Verdi pour assister en avant-première à des extraits de sa nouvelle création. Lors de ce bal, je me suis inspiré des thématiques de l’œuvre pour les détourner, les rendre universelles et festives. La Traviata était pour moi une invitation au voyage entre les époques, les styles mais aussi les cultures. Lors de ce bal on partira en Italie, mais aussi en Espagne et en France, on traversera le temps et tout ne sera que fantasmes et hallucinations.
Comment avez-vous travaillé avec les jeunes et les artistes ?
J’ai d’abord commencé par constituer mon équipe artistique qui allait m’accompagner tout au long de cette aventure. En fonction de mes besoins, j’ai fait appel aux artistes avec lesquels j’ai l’habitude de travailler et pour les autres, c’est la vie qui me les a envoyés. C’était des rencontres magiques et très simples, comme si tout devait s’écrire comme ça. Je me suis entouré d’artistes aux qualités humaines exceptionnelles et qui ont tous un désir de partage et de rencontre, une sensibilité qui me touche.
Ensuite est venu le travail avec les institutions. Nous nous sommes rencontrés, nous avons échangé et j’ai essayé de les emporter dans mon univers. J’ai immédiatement ressenti un enthousiasme très fort et une énergie qui allait dépasser mon imagination. La rencontre avec les jeunes était très riche et nous ramène à une immédiateté de l’instant présent si précieuse au spectacle vivant. Je suis donc parti des ateliers de création des institutions qui proposent, par la qualité artistique et la dévotion de leurs intervenants, des choses très surprenantes. C’était donc à nous, artistes professionnels à nous adapter et à rentrer dans leur univers et non le contraire, tout en apportant bien sur notre savoir faire et notre exigence.
Une dernière question pour finir, comment avez vous rencontré le Futur Composé ?
C’était il y a 6 ans je crois, lors du Mahâbhârata. J’étais assistant à la mise en scène et comédien sur ce spectacle et j’ai eu la chance de partager la scène du Cabaret Sauvage avec les jeunes. Très vite une relation très forte s’est créée. J’étais bouleversé par les aptitudes artistiques, la rigueur, l’énergie, l’investissement de chaque jeune pour défendre leur spectacle. Il y avait une vérité qui ne trompe pas et qui a enrichit mon parcours de comédien, de metteur en scène et de pédagogue. J’ai donc poursuivi l’aventure en créant des spectacles avec des jeunes en situation de handicap mental avec l’Empro de Fontenay-sous-bois en prenant le parti-pris de les plonger dans la création et de transgresser les codes, en faisant jouer les éducateurs et la chef de service. De là est né L’Oiseau Bleu, spectacle professionnel et mixte avec deux jeunes en situation de handicap et des artistes professionnels pluridisciplinaires. Cette belle aventure nous a conduit au Festival International Orphée dans la magnifique salle du Théâtre Montansier. Aujourd’hui, l’aventure continue et me pousse vers d’autres horizons…